Il est des pensées qui, parfois, s'imposent au moment le plus inattendu. Tenez, moi, le week-end dernier : j'ai pratiqué un saut en chute libre à Narbonne. Et alors que j'avais le ventre noué à l'idée du saut qui m'attendait, l'idée m'a soudain traversé que l'Europe allait trouver un second souffle. Pourquoi avoir songé à ça dans un moment pareil ? Je n'en ai strictement aucune idée ! N'empêche que je me suis rendu compte d'une chose : l'Europe a de nombreux atouts pour se relancer ! C'était davantage un sentiment qu'autre chose, et je ne me souviens pas de tout. Mais les derniers événements semblent le prouver. Avant tout, il y a ce fameux Brexit, qui a paradoxalement mis un frein à l'euroscepticisme ambiant. Tant que ce dernier n'était qu'une suite de mots, beaucoup le défendaient ; depuis qu'il est devenue une menace on ne peut plus sérieuse, beaucoup ont changé de point de vue. Sur ce point, il faut donc remercier le Royaume-Uni pour cette aide bien involontaire ! Ensuite, il y a bien entendu le fraîchement élu président français qui change la donne. Avec la victoire de Macron, le tandem franco-allemand devrait en effet connaître un regain d'énergie, ce qui devrait être bon pour l'Europe. Cette reprise semble déjà sur les rails, au vu de l'accueil qu'a reçu Macron à Berlin... Et surtout, il ne faut pas oublier le populisme ambiant qui monte dans le monde occidental, et qui a permis l'élection d'un Trump, avec ses mesures protectionnistes et sécuritaires. Dans un contexte comme celui-là, il est plus que temps pour l'Europe de resserrer les rangs si elle veut faire face à de tels dirigeants. C'est souvent du fait des événements que les gens se mobilisent. Si tel est le cas, l'Europe qu'imaginait Robert Schuman pourrait très bien percer au milieu de cette crise existentielle ! Au passant, si vous aimez les activités pas comme les autres, je vous conseille le saut en chute libre : les émotions qu'on a là-haut sont vraiment gigantesques. Voilà le site où j'ai déniché ce saut en soufflerie à Narbonne, si l'aventure vous tente.
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Grand âge : apprendre à travailler en équipe pour pouvoir mieux décider dans des situations complexes marquées par l’incertitude
Lorsqu'on touche au grand âge, le soignant se trouvant confronté à la question des limites (les limites du savoir, les limites de la vie, les limites du sens), perd ses repères habituels, et doit faire face à l’incertitude. Il doit donc apprendre à douter d’une part, et à gérer ce doute consubstantiel à son exercice. Ne pas savoir est une position difficile à tenir lorsqu’il s’agit d’être responsable, de décider, de « faire des choix ». Mais le doute peut aussi être appréhendé comme outil épistémologique permettant la critique des certitudes et des incertitudes, la vérification du « bien-fondé » (et donc du sens) des projets et des actions soignantes. Le doute est une compétence qui impose la délibération en vue de la décision d’une action. Il invite à l’argumentation de ses choix ou de ses convictions. Il impose l’écoute d’autres convictions et le respect d’autres argumentations susceptibles, pour un même sujet, de déboucher sur d’autres choix. La moins mauvaise décision est le plus souvent celle qui se situe dans une position médiane, à la croisée des différents regards qui se posent sur la personne malade et sur sa situation. S’il est probable qu’une décision prise de telle manière soit la plus respectueuse de la personne malade et la plus adaptée, il est aussi certain qu’elle sera plus facile à assumer par le médecin et par l’équipe soignante en termes de responsabilité. Une condition sine qua non pour investir ainsi la complexité et de résister à la tentation du tout technoscientifique est de se faire confiance soi-même et de travailler en équipe. Confrontés à des situations singulières et complexes pour lesquelles l’incertitude est centrale, tous les acteurs de la santé de la personne malade doivent d’abord savoir qu’ils ne savent pas ce qui est bon pour autrui et que la science et la technique ne sont pas des réponses mais des outils. Se faire confiance impose que l’on ait une certaine estime pour soi, que l’on ait entrepris un travail sur soi, comme un sujet consubstantiellement caractérisé par des limites. Il n’est pas sûr à l’heure actuelle que les études – et particulièrement les études médicales – encouragent à cela. Pour travailler en équipe, le respect doit être alors au centre des rapports professionnels. Si travailler en équipe impose un certain degré de hiérarchie, nécessaire pour avancer dans les projets de soins et pour construire des projets de services, cette hiérarchie ne doit en rien être réduite à la dimension de « l’autorité ». En effet, chacun peut et doit, de là où il se situe, contribuer à une approche raisonnée de cette complexité et de cette singularité de la personne malade. La hiérarchie arbitraire et traditionnelle entre médecins et soignants peut de ce point de vue gêner l’approche discursive et le travail en équipe. Elle doit progressivement s’effacer pour permettre la libre argumentation de chaque professionnel exprimant, dans son cœur de métier, sa propre vision du « sujet complexe ». La caractéristique de l’interdisciplinarité est l’interaction, l’influence mutuelle, ce qui aboutit à une évolution et une transformation réciproques des savoirs dans un esprit collaboratif. Le doute est alors un moteur de progrès en ce qu’il facilite l’interdisciplinarité, elle-même mode d’approche de la complexité. Le doute inhérent à l’approche des situations complexes et singulières, ainsi investi, peut donc être fécond et susciter la créativité, l’inventivité. Le doute et l’incertitude obligent les professionnels à adapter en permanence leur logique de soin pour réduire l’écart entre le prescrit et le réel.